KILUVU

En France, l'Etat peut mobiliser de l'argent de façon quasi illimitée depuis que les taux de la dette avoisinent zéro pour favoriser la « croissance ». Encore faut-il savoir de quelle « croissance » il s'agit ! Démonstration ...

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Je suis jeune, ambitieux, je veux gagner vite beaucoup d’argent et pour cela monter une de ces « startups » dont on parle tant, la revendre bien cher après un succès fracassant, et filer à Tahiti vivre de mes rentes …

Je ne sais rien faire de mes dix doigts et pas grand’chose de mon cerveau, le plus souvent embrumé. Je n’ai aucune compétence scientifique ou technique, encore moins commerciale mais je suis un baratineur de compétition (tous mes copains et toutes mes copines le disent …) ! Je me suis même entraîné en suivant un MOOC de l'ENA, c'est dire ! Et surtout surtout, il ne faut pas que ce soit fatigant hein ! Je suis pour la semaine des « 20 heures » et même celle des « quatre jeudis ». Et si je pouvais ne pas travailler du tout, ce serait encore mieux !

 

Comment s’y prendre ? Idée géniale !

J’ai une idée géniale, et qui va marcher, c'est sûr ! Je vais employer des gens pour fabriquer des cocottes en papier, et d’autres personnes pour déplier ces cocottes en papier soigneusement et en refaire des feuilles de papier planes, qu’elles mettront directement dans des containers « recyclage papier ». Entretemps, chaque cocotte sera photographiée et largement publiée sur tous les réseaux sociaux Internet.

J’installerai les gens qui feront les cocottes en papier à Bastia. J'y embaucherai uniquement des gens habitant la Bretagne. J’achèterai le papier chez les meilleurs fournisseurs en Chine (c’est moins cher …). L'atelier de photographie et publication Internet, installé à Strasbourg, emploiera uniquement des habitants du Sud-ouest. Ceux qui déplieront les cocottes seront à Brest, mais habitant la Corse. « La Poste » transportera les colis. Les gens de Brest qui déplieront les cocottes iront en voiture mettre les feuilles de papier obtenues dans un container de recyclage spécial que la mairie de Tulle m'installera.

Ah oui ! A Brest, je construis deux immeubles de bureaux de part et d’autre de la N12-E50, devant l’aéroport. Deux de mes salariés dans l’un, trois dans l’autre. Comme ça, je privatise un morceau de la N12-E50 (ce sera plus pratique …) et l’Etat fait deux ronds-points, et un contournement.

 

Il y a des grincheux, quand même !         

J’ai monté un sacré « Business Plan » très détaillé de tout cela. Avec les transports, la location de mes bureaux, mes salariés (je commence petit, avec 5 personnes à Bastia, Brest, Strasbourg soit 15 en tout), mon parc de véhicules pour faire Brest-Tulle et retour, les ordinateurs et le matériel photo de Strasbourg, les normes de production, etc.

J’ai présenté mon dossier à plusieurs réseaux de « Business Angels ». A ma grande surprise, ils n’ont pas voulu me financer. Ils disent que je n’ai pas de clients ayant manifesté leur intérêt, et qu’ils ne voient pas en quoi ma startup innove. J’ai essayé les plateformes de « crowdfunding », mais elles ont refusé aussi. Ne parlons même pas de ces banquiers, la « finance internationale » … Ils me disent tous que je n’arriverai jamais à concrétiser un chiffre d’affaires, puisqu’ils ne comprennent pas quel produit je vends, ni à quels clients.

Pourtant, j’ai des clients. Mon activité est un « service public » gratuit, après tout ! Mon entreprise diffusera des photos de cocottes en papier (chaque photo œuvre unique) sur le Web, gratuitement et accessibles à tous ! C’est très utile. D’ailleurs, mes employés, « La Poste », Air France, et tant d’autres dont j’augmente les revenus ou le CA vous le confirmeront ! Tous ces gens sont vraiment des grincheux sans cœur qui créent du chômage, en ne voulant pas embaucher mes salariés (et moi-même). Parce que mon idée est formidable : j'embauche des gens peu qualifiés, et je leur fournis un emploi bien payé et qui a de l'avenir !

 

Une triple morale …

On comprend que notre ambitieux soit déçu de la réaction des investisseurs. Et il a bien raison …

Aucun investisseur privé ne financera certes une telle entreprise, qui n’a aucune chance de vendre quoi que ce soit à qui que ce soit(1). Elle propose de dépenser de l’argent sans aucune capacité à en gagner. Cette dépense crée toutefois du PIB supplémentaire (transports, matériels, véhicules, ronds-points et contournement).

Mais l’Etat français peut très bien monter impunément et faire vivre durablement une entreprise de ce genre. Aucun besoin de chiffre d’affaires ni de clients, puisque les fonctionnaires produisent un PIB égal par définition à leur rémunération(2). Aucun problème financier puisque, quoi qu’il arrive, le contribuable et la dette paieront. Donc, cette entreprise augmentera la « croissance » !

Bizarrement, le citoyen qui paie des impôts acceptera contraint et forcé mais sans trop protester de financer cette entreprise. Encore plus étrange, l’épargnant(3) qui a refusé de financer notre jeune ambitieux se précipitera au travers de son contrat d’assurance-vie en Euros pour financer la dette d’Etat !

Disons que la part du PIB français qui relève de l'« économie des cocottes en papier » n'est pour l'heure pas évaluée : c'est rassurant pour certains politiques !

 

Pierre TARISSI

 

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1 - Pour augmenter la prospérité de tous, pas d’autre solution que le progrès technologique et l’innovation : ça commence en maternelle            https://www.linkedin.com/pulse/formation-recherche-et-innovation-pour-la-france-de-2100-tarissi

2 - Selon la Comptabilité Nationale et la définition du PIB, toute dépense publique (en particulier la rémunération des fonctionnaires) augmente le PIB, donc améliore la « croissance », pierre philosophale de nos gouvernants depuis 40 ans au moins …
https://www.linkedin.com/pulse/repenser-la-d%C3%A9pense-publique-pierre-tarissi

3 - « Partager » l’argent des « riches » est illusoire … Encore faut-il que les « riches » en question financent autre chose que la dette d’Etat …         
https://www.linkedin.com/pulse/illusion-de-la-richesse-mon%C3%A9taire-et-du-tr%C3%A9sor-cach%C3%A9-l%C3%A9pargne-pierre

 

Via Jacques Le Bris