Connecter réfugiés et bénévoles, le pari gagné de la CALM | Toulouse networks | Scoop.it

En huit jours, la plate-forme de mise en relation entre réfugiés et particuliers a reçu plus de 5 000 propositions d’accueil. Un élan de générosité qui suscite aussi des réserves.

  

Le site a été lancé en juin. La plate-forme CALM (Comme à la maison) a pour objectif de mettre en contact les réfugiés arrivés en France et les personnes prêtes à les accueillir. Mise en place par l’association d’aide aux réfugiés Singa, elle fonctionne comme n’importe quel outil de mise en relations. A l’image de Airbnb ou Uber, il suffit de se connecter et de laisser ses coordonnées. Sauf que l’engagement n’est pas commercial mais social. Les réfugiés y postent leurs besoins, tandis que les particuliers y offrent un hébergement ou un soutien.

Depuis huit jours, la plate-forme a reçu plus de 5 000 offres de particuliers qui proposent entre autres d’accueillir un réfugié à leur domicile. Un élan qui a surpris les jeunes entrepreneurs à l’origine du projet. « Le nombre d’offres nous a pris de court car la mise en relations se fait ensuite de façon manuelle », explique Nathanaël Molle, l’un des concepteurs. Une quinzaine de bénévoles sont en train de trier les propositions pour associer l’offre à la demande et répondre aux familles. « En parallèle, on travaille sur un algorithme qui ferait la répartition en fonction de la ville, du nombre de personnes, des centres d’intérêts de chacun... »

L’association Singa est née il y a trois ans d’un double constat : « La plupart des réfugiés qui vivent en France ne connaissent pas d’autres Français que ceux qui sont payés pour les accompagnerestime Nathanaël Molle. Les relations sont faussées par ce caractère professionnel et par les frictions liées à une logique administrative très lourde, qui suscite des mésententes. Or les outils numériques et les réseaux sociaux ont changé les modes de relation, et les réfugiés sont, dans leur grande majorité, connectés. Avec Singa, nous voulons innover dans notre approche de l’accueil, en utilisant les outils numériques pour améliorer l’intégration des personnes réfugiées au sein des sociétés. »

« Identifier les potentiels »

Au départ, Singa (« prêter » en bambara, une langue nationale du Mali) s’appuie sur les projets professionnels ou culturels des réfugiés pour les mettre en relation avec la société civile, en leur apportant le réseau dont ils ont besoin. « L’un veut ouvrir un magasin, un autre produire un CD, un troisième reprendre des études de médecine… Nous ne sommes pas suffisamment compétents dans ces secteurs pour les aider, alors nous sollicitons les réseaux sociaux pour construire une communauté d’une dizaine de bénévoles spécialisés autour du projet. » Environ un millier de bénévoles soutiennent les actiosn initiées par une centaine de réfugiés.

En 2014, l’association a mené dans quinze pays une étude sur les « usages par les réfugiés des nouvelles technologies de l’information et de la communication ». « L’objectif était d’identifier les potentiels mais également les dangers qui existent à l’utilisation de ces outils », explique Nathanël Molle. A partir des idées décelées, un hackathon est organisé en janvier 2015, orchestré par l’association Simplon.co, avec des développeurs, des designers et des entrepreneurs sociaux, pour « développer collectivement des réponses innovantes aux grands défis sociaux et économiques liés à l’asile ».

« Code éthique »

Lancée le 20 juin à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, la plate-forme CALM est directement issue de ces travaux. L’engouement actuel du grand public laisse les associations d’accueil « historiques » plutôt réservées. Pour Pierre Henry, directeur général de l’ONG France Terre d’asile, l’élan de générosité ne peut remplacer une action coordonnée par l’Etat : « S’il est plutôt réconfortant de voir des gens se mobiliser, il faut mettre en garde ces personnes. L’accueil doit s’inscrire dans la durée, avec un code éthique. On ne reçoit pas un réfugié qui fuit une situation de guerre, traumatisé par l’exil, comme on accueille un réfugié qui fuit des intempéries par exemple. Cela implique un accompagnement juridique et vers l’emploi des personnes, des difficultés liées à la langue. Cet accueil relève de la compétence de l’Etat sur le compte de la solidarité nationale, expression collective de la Nation. »

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Face à ces réserves, les militants de Singa appellent à une « responsabilité partagée ». « Le tout Etat a conduit à une situation où un réfugié, en France, ne rencontre que des professionnels de l’accueil, estime de son côté Nathanaël Molle. Or, c’est aussi le rôle de chaque citoyen de s’engager à titre individuel. »

Pour répondre aux critiques, l’association qui organise déjà des réunions de formation pour les bénévoles, prévoit de lancer prochainement un site de formation en ligne pour les aider à mieux appréhender les différences culturelles et les difficultés liées aux traumatismes vécus par les étrangers accueillis. Une plate-forme d’accès aux droits des demandeurs d’asile est aussi en cours de construction, élaborée cette fois par des réfugiés.

 

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